La bataille d'Angleterre
La bataille de France est terminée.
Je crois que la bataille d'Angleterre est sur le point de commencer. La survie de la civilisation chrétienne dépend de l'issue de cette bataille. Notre manière de vivre britannique, de même que le maintien de nos institutions et de notre Empire reposent sur cette civilisation. L'ennemi sera bientôt forcé de lancer contre nous toute sa furie et sa puissance. Hitler sait qu'il devra nous anéantir sur notre île s'il veut remporter la victoire. Nous devons par conséquent rassembler nos forces et accomplir notre devoir, nous comporter de telle manière que si l'Empire britannique et son Commonwealth existent toujours dans mille ans, les hommes pourront dire : « Ce fut leur heure de gloire».Winston Churchill, le 18 juin 1940
Winston Churchill
En juillet 1940, la machine de guerre allemande avait eu raison de la France et atteignait les rives de la Manche.
L'Angleterre se savait la prochaine cible de l'envahisseur. L'armée de terre allemande et la Luftwaffe n'avaient fait qu'une bouchée de la Pologne avant de concentrer leur attention sur le nord et l'ouest. La campagne menée par les Britanniques en Norvège avait pris fin honteusement, tandis que leur Force expéditionnaire avait essuyé une cuisante défaite en France.
Étant parvenus à faire sortir de Dunkerque plus de 335 000 soldats britanniques et français, l'Angleterre avait pu cacher le cinglant revers qu'elle semblait avoir essuyé en luttant contre la Blitzkrieg.
Les Allemands semblaient alors invincibles.
Affiche alliée incitant à s'engager dans la RAF
Avec les Allemands dangereusement proches, toute l'Angleterre fondait ses espoirs dans la Royal Air Force. Les Anglais et les Allemands étaient conscients que pour envahir l'Angleterre, l'Allemagne devrait d'abord éliminer la RAF. La Luftwaffe avait donc commencé à chercher des points faibles en attaquant des cibles dans le sud de l'Angleterre et des navires. Puis, elle jeta son dévolu sur les terrains d'aviation et les stations radar de la RAF.
DCA britannique
Cette dernière, qui s'était déjà affaiblie en envoyant des escadrons en France, subissait de lourdes pertes au cours des attaques lancées quotidiennement contre ses terrains d'aviation.
Malgré de vaillants combats, les pertes en hommes et en aéronefs augmentaient, approchant d'un niveau critique.
Comme la Luftwaffe concentrait son attention sur Londres et d'autres villes britanniques, la RAF pouvait poursuivre le combat grâce à ce répit inespéré.
L'élimination de l'industrie de guerre de l'Angleterre, qui se trouvait alors en pleine expansion, aurait pu donner un coup terrible au dernier représentant de la démocratie en Europe. Jour après jour, la Luftwaffe bombardait les quais, les usines et les infrastructures du dernier bastion de l'Europe libre.
Chaque jour, la RAF relevait vaillamment le défi.
On peut globalement distinguer trois phases durant cette bataille :
* Le bombardement des convois britanniques (début juillet 1940 -début août), appelé "Kanalkampf" (Combat dans la Manche) par les Allemands.
* La tentative de destruction de la RAF (de début août au 7 septembre 1940) ;
* Les bombardements de Londres et des grandes villes (jusqu’à octobre 1940), connus sous le nom de "Blitz" (Eclair) qui se poursuivirent jusqu'au printemps 1941.
Durant la première phase, l'aviation allemande se consacra à l'attaque des convois de ravitaillement britanniques. Cette tactique avait pour but d'isoler le Royaume-Uni et de forcer les appareils de la RAF au combat.
Après un mois d'attaque des convois peu efficace (1 % du tonnage sous pavillon britannique coulé), l'état-major allemand décida d'affronter directement la RAF sur son sol. Pour ce faire, l'attaque des aérodromes militaires britanniques et des usines de l'industrie aéronautique fut ordonnée. Cette période démarra le 13 août 1940, jour baptisé Adlertag (Jour de l'Aigle), le mauvais temps ayant repoussé d'un jour le déclenchement des opérations.
Le 15 août, persuadé que la RAF avait perdu près de 300 appareils (soit la moitié de son effectif théorique) et que les avions basés dans le Nord du Royaume-Uni avaient été déplacés plus au sud, la Luftwaffe lance dans la bataille sa Luftflotte 5, basée en Norvège et au Danemark. Elle devait attaquer des objectifs en Écosse et dans les Midlands mais les chasseurs de la RAF étaient toujours là et infligèrent des pertes sévères (20 %) à la force d'attaque. La Luftflotte 5 fut retirée de la bataille et ses appareils furent envoyés en renfort pour les Luftflotten 2 et 3. Le 15 août étant un jeudi, il fut appelé "Jeudi noir" par la Luftwaffe.
Le 18 août fut le jour le plus terrible pour les deux camps qui enregistrèrent alors le plus de pertes. Les pertes de bombardiers en piqué Stuka furent telles que l'état-major allemand décida de les retirer en attendant des jours meilleurs.
Le 24 août se produisit un évènement qui changea le cours de la bataille. Un bombardier Heinkel He 111, croyant attaquer la raffinerie de Thameshaven, largua ses bombes par erreur sur Londres, un objectif qui ne devait être attaqué que sur l'ordre personnel de Hitler. En représailles, dans la nuit du 25 août 1940, la RAF parvint à lâcher quelques bombes sur Berlin. Hitler se lança dans une violente diatribe contre les Britanniques "S'ils bombardent nos villes, nous raserons les leurs, s'ils lâchent des centaines de bombes nous en lâcherons des milliers". Le bombardement de Berlin fut un échec personnel pour Göring qui avait juré que "Si une bombe tombe sur Berlin, vous pouvez m'appeler Maier" (expression courante en allemand pour dire que quelque chose n'arrivera pas). Hitler modifia sa stratégie et décida de bombarder les populations civiles des villes britanniques et plus particulièrement de Londres en guise de représailles.
Londres endommagé par les bombardements
Le 7 septembre, un raid de plus de 100 bombardiers escortés par près de 400 chasseurs fut envoyé sur Londres. Croyant que la cible de ce raid était en fait les aérodromes de la RAF, le contrôle au sol britannique laissa les chasseurs de la RAF couvrir ceux-ci, ce qui laissa le champ libre aux bombardiers allemands. Ce changement permit à une RAF au bord de la rupture de souffler. En faisant peser le poids de l'offensive sur les populations civiles, les Allemands permettaient à la RAF de se reconstituer.
Le 15 septembre, un raid massif fut envoyé sur Londres. Dans son poste de commandement, Hugh Dowding vit les cartes se remplir de symboles représentant les ennemis en approche.
Il demanda si tous les avions étaient en l'air et on lui répondit par l'affirmative. À sa question sur l'existence de réserves, on répondit de façon négative. À cette heure, plus de 370 avions britanniques couvraient Londres. À la fin de la journée, les Britanniques avaient perdu près de 40 avions, les Allemands 56 (ce qui est un très bon résultat pour la RAF). Ce résultat explique que le 15 septembre reste dans les mémoires comme le "Battle of Britain Day", le jour de la bataille d'Angleterre.
On peut dire que cette deuxième phase de la bataille prit fin dans le courant du mois d'octobre.
À ce moment, l'Opération Seelöwe fut ajournée sine die et l'effort allemand contre le Royaume-Uni s'amenuisa. Les bombardements de villes britanniques continuèrent néanmoins, mais avec une intensité généralement moindre, jusqu'au printemps de 1941, quand Hitler ramena le gros de la Luftwaffe vers l'est en prévision de l'invasion de l'URSS. Toutefois, quelques bombardements importants eurent encore lieu sur les villes britanniques, notamment au début du mois de novembre avec les attaques sur Coventry, Birmingham et Wolverhampton par exemple.
Les bombardiers allemands infligèrent à Londres les plus grands dégâts que la capitale britannique ait subis depuis le grand incendie de 1666.
Les pilotes britanniques combattirent aux côtés de pilotes australiens, canadiens, néo-zélandais et sud-africains, de Tchèques, de Français et de Polonais ainsi que d'Américains. C'était une opération internationale visant à défendre la démocratie. Peu d'entre eux se rendaient réellement compte à l'époque de l'importance de leurs actions.
Des pilotes de Hurricane de la RAF font une pause avant une nouvelle mission.
La bataille d'Angleterre représente davantage que des avions descendus et des médailles.
C'était la première fois que la puissance aérienne permettait de sauver un pays.
En plus de donner lieu à une victoire militaire, la bataille d'Angleterre a permis à une sombre nation de croire en l'avenir.